Des voix célèbres

Ne pas suivre la folie des autres

"Après 1815, 1914 et 1939, la neutralité fait à nouveau l'objet d'un débat. La Suisse est-elle arrivée à un carrefour de son histoire ? Une partie de l'élite affirme qu'avec la guerre en Ukraine, le temps de la neutralité est révolu. Elle demande une réorientation, notamment avec un rapprochement et probablement une adhésion à l'OTAN.

Les guerres d'autrefois ont rappelé aux Suisses combien il était important de ne pas suivre la folie des autres. Aujourd'hui, nos ancêtres attendent de nous que nous ne jetions pas par-dessus bord l'instrument éprouvé qu'est la neutralité, mais que nous le renouvelions et le mettions au service de la paix et de l'entente mondiales. La neutralité n'a pas seulement un passé prestigieux, elle a aussi un avenir prometteur. Elle compte sur les Suissesses et les Suisses de notre génération. Soyons à la hauteur de notre histoire ! "

Georges Martin
Ambassadeur en Indonésie, au Timor Leste, au Kenya, en Ouganda, au Rwanda, au Burundi et en Somalie, puis chef de la division de la sécurité internationale du DFAE et secrétaire d'État adjoint. Auteur du livre "Une vie au service de mon pays", Slatkine, Genève 2024.

Neutralité active

"Aujourd'hui, la neutralité prend les atours de l'impartialité, la neutralité d'un juge qui applique la loi. Une telle signification ne repose pas sur une prétendue indifférence, mais en fait sur une prise de décision. Elle ouvre la voie à une neutralité active, en visant la prévention et la résolution des conflits par une politique engagée. Mais là encore, une telle interprétation implique de ne pas prendre part aux conflits ou aux guerres des autres et de renoncer à la violence. Elle ne contraint pas au silence et à l'indifférence, mais au contraire à s'élever contre les violations flagrantes du droit international".

Micheline Calmy-Rey
Ex-conseillère fédérale. Cheffe du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de 2003 à 2011.

Inscrire la neutralité dans la Constitution

"Le principe "sécurité à l'intérieur, promotion de la paix à l'extérieur" caractérise la Suisse depuis des siècles, lui confère sa stabilité et assure sa réputation dans le monde. C'est le bon moment pour inscrire la neutralité dans la Constitution comme principe directeur de notre pays, tourné vers l'avenir".

Heidi Z'Graggen
Conseillère aux États Uri

Neutralité crédible

"La neutralité vit de la crédibilité. C'est pourquoi la Suisse doit mener en temps de paix une politique qui lui permette d'être neutre en temps de guerre. Un rattachement à l'UE ou une collaboration étroite avec une alliance militaire comme l'OTAN ne sont pas compatibles avec une neutralité crédible".

Paul Widmer
a. Ambassadeur (entre autres en Croatie, en Jordanie et auprès du Saint-Siège à Rome), publiciste

Les dix commandements

Depuis 1996, notre politique étrangère, subrepticement, presque insidieusement, sans communication avec le public, a pris une tournure de plus en plus atlantiste, évidente aujourd'hui, dans les options prises par le Conseil fédéral à l'égard de l'Ukraine et d'Israël. La "Realpolitik" a été remplacée par la "moraline" chère à Nietzsche. Dans un livre à paraître en 2025, je synthétise mes réflexions en proposant en conclusion les "dix commandements" de la neutralité et les dix raisons de la préserver à notre avantage.

Jean-Pierre Vettovaglia
a. Ambassadeur, publiciste, administrateur d'une banque internationale à Genève

Un élément indispensable

"La neutralité est un élément indispensable du soft power de la Suisse. Sans elle, nous devenons une nation inutile".

Jean-Daniel Ruch
a. Ambassadeur (Belgrade, Tel Aviv, Ankara), fondateur du Centre pour la neutralité, Genève